Negation annotation system by Angus B. Grieve-Smith, Columbia University

Annotating corpus text: le Grenadier de Louis XV, ou le Lendemain de Fonte

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LE GRENADIER DE LOUIS XV
OU
LE LENDEMAIN DE FONTENOY,

Pièce en un Acte, mêlée de Couplets ;

Par M. D***.

Représentée , pour la première fois , a Paris , sur le Théâtre de la Gaîté , le 27 décembre 1814.

PARIS

Chez BARBA, Libraire, Palais-Royal, derrière le Théâtre Français, n°. 51.

De l'Imprimerie de Hocquet, rue du Faubourg M. n°. 6.

1815

La scène est à dix lieues de Fontenoy, dans un village.

Le Théâtre représente l'intérieur du jardin de Madame Francœur. A gauche, sa maison. A droite , une table servie. Au fond , dans toute la largeur du Théâtre , une grille , avec porte au milieu. Derrière la grille , le village de .... On voit la maison du bailli

LE
GRENADIER DE LOUlS XV,
OU
LE LENDEMAIN DE FONTENOY.

Pièce en un Acte.

SCENE PREMIERE.

( Il y a sur la scène une table servie de neuf couverts.)

NICOLAS,

seul.

V'la qu'tout est à-peu-près prêt pour le mariage du fils de la bourgeoise de la maison.... Là , la maman future de mamselle Georgette. Là , la place de ce bon M. Anselme , ce vieillard oxtogénaire, dont les soixante ans se comptent, dit-on , par le nombre de ces vertus... Là, la mariée ; le marié zici , si on veut ... La jolie noce que ça va faire ! Cest moi qui chiperai la jarretière ... Eh ! eh ! eh !... C'est ben dommage que M. la Grenade, le fils de la maison , qu'est l'aîné , ne soit pas de retour de l'armée, .... surtout de c'te bataille qui s'est donnée hier à Fontenoi ; on dit qu'il y faisait chaud . . . Queu charmé, s'y r'venait ! Le plasîr serait complet , comme dit ce bon M. Anselme.

Air : Muses des bois.

Ah ! quel bonheur de retrouver un brave,
V'nant d'échapper anx coups affreux du sort,
Pouvant enfin goûter, sans nulle entrave,
La douce paix, paix d'un si noble effort.
C'est au moment qu'on mari' jeune fille,
qu'un brave doit se trouver de retour ;
Chez les Français, c'est un tableau d'famille
Que d'voir ensemble et la gloire et l'amour.

Mais y ne r'viendra pas; et... ( regardant en dehors ) Ô mon Dieu ! les méchans viennent toujours les premiers , car voilà M. Charles, qu'on a surnommé M. Durocher , à cause de son cœur dur .. A-t'y l'air triste ?... comme un homme qu'est en déconfiture ?... Y m'appeoit... Y change de visage... Il a toujours une demi-douzaina de figures à sa disposition... Moquons-nous de lui.

SCENE II.

DOROCHER, NICOLAS.

DUROCHER.

A ! te voilà, Nicolas.....Diable! quelle parure! Ça te donne l'air encore plus bête.

NICOLAS.

Eh ben, vous ne croiriez pas une chose ? c'est que votr' toilette cache presque votre mauvais coeur , vos mauvais yeux, votre mauvaise personne.

Durocher.

Imbécille! Est-ce qu'un habit ?

NICOLAS.

Si un habit change un homme, à présent ?

Air : du Verre.

Un bel habit d'un homm' de rien,
A très-souvent fait quelque chose ;
Y l'fait paraître un homme de bien ,
Sur qui l'on compte, on se repose.
Pis qu'la toilette est d'si bon s'cours,
Excusez ces paroles trop franches,
Vous devriez bien tous les jours,
Mettre votre habit des dimanches.

Durocher,

riant.

Tu deviens très-méchant, Nicolas.

NICOLAS.

Je vous ons tant fréquenté... Moi, d'abord j'profîte d'un rien.

DUROCHER.

Si tu savais le motif qui m'amène ici, tu serais moins en colère.

NICOLAS.

L'motif! je l'sais. Mamselle Georgette n'a pas voulu d'vous : elle a préféré M. Paulin , fils de madame Francœur , quoiqu'y soit un peu étourdi, et que vous lui aviez fait faire ben des sottises .. C'est aujourd'hui la noce , et vous venez pour narguer les nouveaux mariés. Mais j'dis que le nargué, ça sera vous. Mameselle Georgette est jolie, et le plus sot, c'est pas l'véndangeur qui cueille la grappe , c'est le renard qui ne peut pas l'attrapper.

Durocher,

à part.

Le vendangeur ne la tient pas encore. ( Haut.) Je ne viens pas tout pour les contrarier....

NICOLAS.

Que v'nez-vous donc faire ?

DUROCHER.

Me réconcilier avec tout le monde.

NICOLAS.

Vous, monsieur Durocher ?

DUROCHER.

Oui, moi.

Air du Parlement.

Je viens , oubliant mon amour ,
Demander qu'on me fane grâce ;
Qu´ dans les deux familles, dès ce jour,
J'obtienne une petite place.
J' veux qu'ma gaité cach' mes regrets,
Qu'on aime à me voir, a m'entendre :

NICOLAS.

Eh! mais voudra-t-on croir' jamais,
Que Durocher soit aussi tendre.

( On entend la ritournelle de l'air suivant. )

V'là papa Anselme, mamselle Georgette et tous les voisins d'notr' village.

SCÈNE III.

Les mêmes, ANSELME, GEOGETTE.

JARDINIERS et JARDINIERES.

( Ils arrivent avec un violon à leur tête. )

ANSELME.

Air : Voilà la manière.

On dit qu' dans l' grand monde,
Qu'y faut qu'le futur ,
Si l'amour le s'conde ,
Aille d'un pas sûr ,
Au devant d'la belle
Que tout bas son cœur appelle.
C't'avis n'est pas 1' mien.
En fait d'hymen , moi je soutien ,
Que l'on précède ou suive ,
Cela ne fait rien,
Pourvu qu'on arrive,
Et qu'on arrive bien.

CHŒUR

Que l'on précède , etc.

ANSELME.

Eh ! mais la maman Francœur et son fils ne viennent pas ; continuons , pour les faire venir ... Peut-être ben que le futur se décidera.

TOUS.

Oui, continuons.

ANSELME.

Même Air.

Fill' qui la première ,
Court à son mari,
Est rose printanière ,
Cherchant un abri.
Jamais la sagesse
Ne craint une vraie tendresse ,
Et ne doit rougir,
D'aller au-devant du plaisir.
Qu'elle précède ou suive ,
Cela ne fait rien,
Pourvu qu'elle arrive,
Et qu'elle arrive bien.

CHŒUR.

Quell' précède ou suive etc.

On entend à la cantonade : Me voilà, me voilà.

TOUS.

La voilà,

ANSELME,

Cache-toi, ma fille; pour t'avoir fait attendre, faut que ton futur te cherche...

GEORGETTE.

Oh , mon père! il me trouvera ( à part. ) , car je me cacherai mal... ( Elle se cache derrière tout le monde. )

SCENE IV.

Les mêmes, Mad. FRANCŒUR, PAULIN.

Mad. FRANCŒUR.

Bonjour, monsieur Anselme, bonjour mes amis.

TOUS.

Bon jour, madame Francœur, bon jour, monsieur Paulin.

PAULIN,

après avoir cherché.

Par exemple, il ne me manque presque rien pour me marier, il ne me manque que ma future.

ANSELME.

Pauvre garçon !

PAULIN.

Vous riez , elle est ici.

Air : Sans mentir.

Où donc es-tu mon amie ?
Pourquoi t'soustraire à mes yeux ?
Le plus beau jour de la vie
Doit avoir l'asus des dieux.
Ton absence est ce nuage ,
Qui nous cache le soleil ;
Rends-nous ce joli visage ,
Qui du plaisir est l'réveil.

GEORGETTE,

cachée.

Fait, ah ! fait.
Fait, ah ! fait.

PAULIN.

Elle est là , tout m'assurait
Qu' J'aurais bientôt son secret.

ANSELME,

quand Paulin a cherché.

Eh bien ! tu ne la trouve pas ?

NICOLAS,

qui la voit cachée derrière Durocher.

J'croyons ben , elle est cachée derrière en si vilain arbre.

DUROCHER,

le pinçant.

Insolent !

Mad. FRANCŒUR,

à Paulin.

Comme tu la cherches ! ( Bas à Anselme. ) On voit bien qu'il n'est pas encore mari.

PAULIN,

à part.

Je l'aperçois , ne faisons semblant de rien.

Même air.

On voit, quand la noce est faite ,
De depuis trois ou quatre ans,
Jouer à la climusette,
Les époux indifférens.
L'colin-maillard est d'usage
Chez tous les maris du jour ;
Mais, Georgette, avant l' mariage;
On ne jou' qu'au pont d'amour.

GEORGETTE,

cachée.

Fait, ah ! fait.
Fait, ah ! fait.

PAULIN ,

l'attrapant.

Je te tiens, tout m'assurait,
Que j'aurai bientôt ton secret.

ANSELME.

Ma fille, tu es à lui.

GEORGETTE.

Je ne demande pas mieux, mon père.

Mad. FRANCŒUR.

Vous savez, mon ami Anselme , que la noce décidement sufra ici, tout est prêt.

PAULIN.

Ah ! ma mère, à l'xception du vin qui n'est pas arrivé.

Mad. FRANCŒUR.

Tu t'es chargé de le faire venir.

DUROCHER

Si voua voulez, je vous aiderai, mon cher Paulin.

Mad. FRANCŒUR, ANSELME, GEORGETTE

Son cher Paulin...

ANSEMBLE

Comment, monsieur, vous êtes parmi nous ?

Mad. FRANCŒUR

Et vous venez à la noce de votre rival ?

ANSELME

C'est être bien hardi, après toutes les menaces que vous avez osé me faire si je ne vous donnais pas ma fille... Pensez donc, monsieur, que ce n'est pas ici la compagnie qui vous convient...

NICOLAS

Et que vous ne convenez pas à la compagnie.

Mad. FRANCŒUR,

à Anselme.

N'vous fâchez pas, mon ami.

Air : Vaudeville du Piège.

On voit souvent près de la fleur,
Paraître la ronce ou l'épine ;
On voit souvent le ver rongeur,
D'un bel arbre chercher la racine.
L'ivraie a cru dans tous les champs,
Auprès de la plus belle gerbe.
Et dites-mol quels sont les champs
Où l'on n' trouv' pas un' mauvaise herbe ?

NICOLAS

C'est mot à mot le portrait de monsieur .... Il est la ronce, il est le ver, il est l'ivraie, il est la mauvaise herbe , rien que ça.

DUROCHER,

à part.

Je m'en vengerai... ( Haut. ) Je ne puis vous en vouloir de cette méfiance, de ces comparaisons que j'ai méritées par une conduite trop légère, mais mon repentir...

ANSELME

Nous n'y croyons pas.

DUROCHER

Mes regrets...

Mad. FRANCŒUR

Ils sont faux.

PAULIN

Mes bons parens! il est vrai qu'il fut mon rival, mon ennemi, car il ma fait faire bien des sottises; mais j'épouse Georgette, je suis heureux, que tout soit oublié.

Air : Elle est jeune et vous êtes vieux.

Aussitôt que l'on est époux ,
Avec tout le monde faut qu'on se raccommode ;
Il résulte d'un accord si doux,
Qu'un époux échappe à la mode.
Je connais le moyen chéri
Qu'nos rivaux nourris't au fond d'l'âme ;
Plus ils en veulent au mari,
Et plus ils veulent de la femme.

Mad. FRANCŒUR et Anselme,

riant.

Il a raison.

PAULIN,

à Durocher.

Allons, viens m'embrasser. ( ils s'embrassent. )

NICOLAS,

à part.

Baiser de Judas.

GEORGETTE

Là , que des amis autour de nous... Il ne manque plus à mon bonheur que d' voir commencer la noce.

PAULIN

Et moi d' la voir finir ; alors il ne me manquera plui rien

Mad. FRANCŒUR

Rien, rien, et ce bon la Grenade, mon fils, dont je n'ai pas de nouvelles, et qui peut-être hier était à la bataille de Fontenoy.

PAULIN

Il reviendra, ma mère, il reviendra , mon coeur me l' dit.

ANSELME

Le mien de même.

GEORGETTE

Je lui écrirai que je suis sa sœur, que j'aime beaucoup les grenadiers, et il reviendra.

Mad. FRANCŒUR.

Allons, allons, y reviendra... Mais, Paulin, et le vin, tout le reste est prêt ; va donc, mon garçon.

PAULIN

J'y cours, ma mère.

DUROCHER

Je vous accompagne. ( a part. ) Tu n'es pas encore son

Nicolas

Monsieur Paulin, dites qu'on le fasse bon , s'y vous plait, et de toutes les façons, du Champagne , du Rota , du Alicante.

TOUS

Comment, comment , qu'on le fasse ?

NICOLAS

Eh oui, tiens, j' me croyons encore à Paris... c'est que vous ne savez pas...

Air : de madame Favart.

A Paris ( bis )
Rien n'est plus facile,
Tous les vins exquis
D' tous les pays
S' font dans la ville.
A Paris, ( bis )
Un brevet se donne
A chaque personne
Qui fait du vin
Sans raisin.
Là, contre le tems indocile,
Les marchands sont prémunis :
Leur cave est l'coteau fertile,
Arrosé par l'eau du polis ;
Mais je connais cet usage,
Et d'ailleurs, j'ai très-bon goût,
Un jour de mariage ,
La nature avaut tout.

TOUS.

Un Jour de mariage,
La nature avant tout.

A Paris, (bis)
Rien n'est plus facile etc.

( Durocher et Paulin sortent ensemble.)

SCENE V.

GEORGETTE, ANSELME, Mad. FRANCŒUR , NICOLAS, Voisins et Voisines.

Mad. FRANCŒUR

Mes enfans, à Table , à table.

( On se place. Georgette va près de madame Francœur. )

Mad. FRANCŒUR,

l'éloignant.

Non, mon enfant !

GEORGETTE

Vous ne me placez pas à côté de vous ?

Mad. FRANCŒUR

Non , la place restera vide.

TOUS

Comment ?

Mad. FRANCŒUR

Air de Haine aux Femmes.

Je le sais bien, fille chérie
Pardonne, si je contrarie,
En ce jour-ci l'usage avec toi.
Ce s'ra cell' d'un brav' militaire,
D'un fils qui n'est plus dans mes bras,
Quand nous somm's heureux sur la terre,
Pensons à ceux qui n'le sont pas.

( Georgette embrasse madame Francœur. On entend une marche, Tout le monde se lève. )

SCENE VI.

Les Précédents, LA GRENADE.

TOUS

Qu'est-ce ?

LA GRENADE,

très-loin.

Air ; De la Garde.

Plus d'alarmes, ( bis )

Parents, amis, plus de larmes,
Je reviens,
Parmi les miens.

TOUS, écoutant sans le voir.

Mais c'est sa voix,
C'est lui, je crois.
Si c'est une erreur,
Quel malheur !

Mad. FRANCŒUR

à Anselme.

Ah ! mon ami ,
L'espoir a fui !
Ce n'était pas lui.

TOUS.

Le voilà !

LA GRENADE,

paraissant au fond.

Cest assez d' guerre,
Assez de hauts-faits ,
Pensons qu' la terre
A besoin de paix.

TOUS.

Plus d'alarmes,
Parens, amis, plus de larmes,
Plus d'alarmes.
Je / Tu reviens parmi les miens / les tiens.

LA GRENADE

Ma bonne mère !

Mad. FRANCŒUR,

pleurant de joie.

Comment, mon garçon, c'est toi ?

LA GRENADE

Eh! oui, c'est moi : voilà comme nous sommes, nous autres grenadiers.

Air : Gaiment je m'accommode.

Que l'prince nous appelle,
Nons v'là ;
Que l'danger se r'nouvelle,
Nous v'là ;
Faut-il s' courir son frère ,
Nous v'là ;
Ou consoler sa mère ,
Nous v'là.

ANSELME

Braves gens !

LA GRENADE

Que l' canon gronde ou tonne ,
Nous v'là;
Qu'on nous présente un' tonne ,
Nous v'là ;
La vieillesse à défendre ,
Nous v'là ;
Et jeune fille à prendre ,
Nous v'là.

Mad. FRANCŒUR

Toujours le même !

LA GRENADE

Moi, changer ?... un soldat!

Air : de la Retraite.

A son pays,
Aux lois toujours fidèle ,
Toujours plein d' zèle ,
Aux chefs soumis ,
Sourd à tous les partis ,
N'écoutant que l'honneur ,
N' cédant pas en valeur ,
Voilà , voilà les traits ( bis )
Du vrai soldat Français.

TOUS.

N'écoutaut etc.

LA GRENADE.

On dit : partons;
On le voit sans alarmes
Prendre ses armes.
On dit : restons :
Il reste sans façons,
Jamais aucun vouloir,
Que celui du devoir.
Voilà , voilà les traits ( bis )
Du vrai soldat Français.

TOUS.

Jamais aucun vouloir etc.

ANSELME

Mais embrasse-moi donc, mon brave!

LA GRENADE

Ah! pardon, père Anselme , je ne voua avais pas vu... Ma mère était là, et jusqu'à ce moment je n'a encore vu qu'elle. (Il embrasse Anselme)

GEORGETTE,

s'avançant.

Voua ne m'avez donc pas vue, M. la Grenade ?

LA GRENADE

Non , ma petite, non. Quelle est cette jolie enfant ?

Mad. FRANCŒUR

La fille d'Anselme.

LA GRENADE

Papa, vous ne l'aviez pas quand je suis parti ?

ANSELME

C'est vrai , mais il y a seize ans de cela , mon garçon.

LA GRENADE

Voua avez joliment travaillé pendant mon absence.

ANSELME

N'est-ce pas ?

Air; Cherchez Le Parnasse.

Quand vous vous donnez tant de peine ,
Pour assurer notre repos ;
Quand vous r' v'nez d' rive lointaine,
Nous d'vons couronner vos travaux,
Ah! pourrions-nons mieux les r'connaitre !
Ces joli' s fill' s faites au tour ,
Sont des fleurs que nous faisons naître,
Pour vous couronner au retour.

LA GRENADE

Est-ce que cette jolie fille est pour moi ?

GEORGETTE

Air : de la Parole.

Monsieur, ce n'est pas avec vous
Que j' dois unir ma destinée ,
Quoiqu' vous méritiez, parmi nous
Qu' la préférence vous soit donnés,
Mais on ne commande pas au cœur
De jeun' garçon, de jeune fille.
C'est vot' frèr' que j'aime , monsieur,
Vous d' vez etr' content, car, monsieur,
Ça n'sortira pas ( bis ) d'la famille.

LA GREDNADE

Pour mon frère ?

GEORGETTE

Aujourd'hui, tout-à-l'heure, monsieur le grenadier, nous n'attendons que le moment.

LA GRENADE

L'heureux coquin! embrassons-nous, petite sœur, mais où est-il donc, ce cher Paulin ?

NICOLAS, apart.

Faut que je lui parle pour qu'y me voie. ( haut. ) Votre frère, monsieur le grenadier de la Grenade.

LA GRENADE

Te v'là, p'tit Nicolas ? Es-tu toujours aussi bête ?

NICOLAS

A vous servir, si j'en étais capable ; j'ai profité en grandissant... Je voulais voua dire, monsieur la Grenade , que votre frère Paulin était absent, parce qu'il s'est en allé... goûter le via de la noce.

LA GRENADE

Goûter le vin ! c'est un mauvais frère.

TOUS

Comment ?

LA GRENADE

Y d'vait m'attendre.

TOUS

Ah! ah!ah!ah!ah!

LA GRENADE

Va le chercher, et dis-lui :

Air : Prenons d'abord l'air bien méchant.

Paulin , ton frère est de retour,
Loin d'lui donner le premier gage
De ton bon cœur, de ton amour ,
Tu goût' un plaisir sans partage.
Il te prédit avec raison
Que le vin te paraîtra fade.
Pour trouver le vin bon ,
Faut avoir un bon camarade.

NICOLAS

J'vas lui dire , c' que vous dites-là.

Pour qu'y trouv' le vin vraiment bon .
Y faut qu'y m'prenne pour camarade.

( Il sort. )

SCENE VII.

Les Précédens, excepté NICOLAS.

LA GRENADE

Est-il moins étourdi, mon frère ? c'est que vous m'écriviez au régiment qu'il se laissait entraîner facilement par des amis dangereux.

GEORGETTE

C'est moi qui l'entraînerai à présent, monsieur la Grenade.

LA GRENADE

Oui-dà ? Ne le quittez pas

GEORGETTE

C'est bien mon intention.

LA GRENADE

C'est que voyez-vous, il ne faut pas que l'honneur chavire dans notre famille. Une seule faute faite par un de nous, je n'oserais plus citer mes douze campagnes, mes seize ans de service, mes six blessures, et montrer cette croix qui me fut donnée hier sur le champ de bataille par mon general, le maréchal de Saxe. Un guerriar qui ne peut parler de sa gloire, c'est un homme mort.

GEORGETTE

Vous vivrez, M. la Grenade.

LA GRENADE

Et en bonne compagnie.

Mad. FRANCŒUR

Mais, mon garçon , est-ce que tu reviens pour toujours ?

LA GRENADE

Oui, ma mère, pour toujours. Voilà mon congé.

ANSELME

Que n'ai-je une autre fille!

Air : De la petite Bergère.

Ce n'est pas que j'perde l'envie
D' servir mon prince et mon pays ;
Mais un' fatigue trop suivie
M' fait souffrir des maux inouis.
J'avais besoin, pour qu' chaque blessure
Ne fût plus guérie à moitié ,
D'y verser les pleurs d' la nature,
Et le baume de l'amitiés

TOUS, répètent.

D'y verser les pleurs etc.

( On entend les cris de Nicolas. )

SCENE VIII.

Les Précédens, NICOLAS.

Nicolas

, pleurant.

Ah ! mon dieu, mon dieu , mon dieu.

TOUS

Quoi donc !

LA GRENADE

T'a-t-on fait du mal ? mille bombes !

NICOLAS

Moi ? non , mais M. Paulin.

TOUS

Eh bien!

NICOLAS

Monsieur Paulin !

TOUS

Eh bien !

NICOLAS

Il est arrêté.

TOUS

Arrêté ?

LA GRENADE

Mon frère arrêté ! Mille cartouches !

TOUS,

riant

Ah ! ah ! ah !

LA GRENADE

Nicolas, finiras-tu ?

NICOLAS

Ne vous fâchez pas , monsieur la Grenade ; et vous, ne-riez pas tant. Y n'y a pas de quoi . . . Moi, les larmes m'étouffent. Ce pauvre jeune homme ! imaginez-vous qu'il a voulu, monsieur la Grenade, se raccommoder ce matin avec ce mauvais sujet qu'on nomme, par saubriquet, monsieur Durocher.

LA GRENADE

Après.

NICOLAS

Ils ont été ensemble chez M. la Grappe, le marchand de vin qui devait fournir le vin de la noce.

LA GRENADE

En bien!

NICOLAS

Eh bien , ce méchant monsieur Durocher a fait, par exprès, goûter tant de vin à monsieur Paulin qu'il l'a grisé.

LA GRENADE

Enfin...

NICOLAS

Enfin, M. Paulin qui a le vin mauvais, a fait, étant gris, un tapage du diable ; il a tout brisé, tout cassé dans la salle où ce qu'il était. Les hommes, les femmes, les garçons s'en sont mêlé... Jusque-là c'était pas grand chose... mais ô mon dieu ! mon dieu !

LA GRENADE

impatienté.

Nicolas, finis...

NICOLAS

Comment dire ça ?... V'là t'y pas qu'au milieu du sabat, une femme perd son argent, une autre ses bijoux ; on crie, on réclame , on accuse messieurs Paulin, Durocher , auteurs du tumulte; on fouille Durocher, il n'a rien; on fouille Paulin,... un collier, des boucles d'oreilles étaient dans sa poche.

TOUS

Grands dieux!

NICOLAS

Ne croyez pas que c'était monsieur Paulin qui les avait pris ou ramassés; non , non je l'on ben vu à son horreur , quand il a aperçu tous ces objets; il a été dégrisé tout de suite ... Je gageons que c'est Durocher, oui, Durocher qui, pour troubler sa noce , pour l'empêcher même, a eu recours à cet affreux stratagème. Mais dieu de dieu, les apparences accusent monsieur Paulin, qui est prisonnier.

LA GRENADE

Mon frère prisonnier!

Mad. FRANCŒUR

Mon fils!

GEORGETTE

Mon pauvre Paulin!

ANSELME

Quelle affreuse position !

NICOLAS

Adieu la noce.

Air : De Folie et Raison,

C'est ainsi que sans cesse
On voit en tout pays
Se perdre la jeunesse
Par le choix des amis.

LA GRENADE

Je croyais embrasser un frère ,
De l'honneur suivant bien la loi,
Lui dire, avec un' joie sincere ,
Je le trouve digne de moi.

TOUS.

C'est ainsi que sans cesse, etc.

Mad. FRANCŒUR.

Faisons, s'il se peut, reconnaître
Que c'n'est qu'une cruelle erreur.
Il en est tems encore peut-être ,
A mon enfant sauvons l'honneur,

TOUS.

C'est ainsi que sans cesse , etc.

( Tous sortent. La Grenade reste. )

SCENE IX.

LA GRENADE.

(Il reste un instant immobile, puis regarde autour de lui d'un œil morne. Ne voyant plus personne, il tire son mouchoir et en couvre ses yeux remplis de larmes. )

Et je suis revenu en ce moment ! et c'est pour recevoir une éternelle blessure que j'ai quitté les champs de la guerre!

Air : Contrainte cruelle.

Mes seize ans de victoire
Et mes seize ans de gloire ,
Sortez de ma mémoire,
Je voui ai tous perdus.

Un jour , que j' crus prospère,
Me prive d'un bon frère,
Surtout d'heureux salaire,
De l'honneur et des vertus.

Mes seize ans de victoire , etc,

J'aperçois des gardes ; un jeune homme est au milieu d'eux... C'est lui.

SCENE X.

LA GRENADE, PAULIN, le Sergent, Gardes.

( Paulin est entre les gardes : il a sa figure cachée par ses deux mains. )

LA GRENADE

Camarades, laissez un moment, je vous en prie, ce jeune homme avec moi.

LE SERGENT

Je ne le puis. Il faut que je le conduise dans cette maison pour qu'il soit interrogé.

LA GRENADE

à voix basse

Camarade, c'est mon frère.

( Le sergent y consent. )

Paulin

regardant la Grenade.

Quel es ce militaire ?

LA GRENADE

a part.

Après seize ans d'absence , dans quel moment vais-je me faire reconnaître ? (haut.) Jeune homme, je viens d'entendre le récit du crime dont on vous accuse...

PAULIN

Du crime !...

LA GRENADE

J'ai va la douleur de votre famille...

PAULIN

Ah! voilà ce qui me tue...

LA GRENADE

La honte devient son partage.

PAULIN

La honte ! le partage de la famille la plus respectable...,

LA GRENADE

J'ai cru entendre, au milieu des sanglots , que vous aviez un frère.

PAULIN

Ah ! que me rappelez-vous !

LA GRENADE

Un frère couvert d'honorables blessures, et qui serait mort mille fois plutôt que de souffrir que son honneur reçût le plus léger affront.

PAULIN

Le connaîtriez-vous ?

LA GRENADE

Si je le connaissais, que pourrai-je lui dire ?

PAULIN

Que je ne suis pas coupable, et que je jure...

LA GRENADE

Point de serment.

Air : De Darondeau.

Le serment pour le militaire
Est le lien le plus sacré;
Le serment, avant tout, sur terre ,
Par les braves est révéré,
Mais la bouche qui le profère
Ne doit être souillé en rien ;
Si le coupable peut en faire ,
Que fera donc l'homme de bien.

PAULIN

Je vous le répète, je ne suu pas coupable; et si le hasard vous fait rencontrer mon frère...

LA GRENADE

Je serai forcé de lui dire; La Grenade, ne quitte pas ton régiment; là tu es estimé, chéri, et tu rougirais si tu étais au sein de ta famille...

PAULIN

Vous le feriez mourir de douleur.

LA GRENADE

Tu as raison, je devrais être mort.

PAULIN

Vous...

LA GRENADE

Moi, malheureux! ma douleur ne t'a-t-elle pas dit que j'étais ton frère ?

PAULIN

Mon frère! ( Il veut courir dans ses bras. ) Mon frère !

LA GRENADE

Non , cet habit me le defend ; un cœur pur doit seul approcher là. ( Il montre sa dècoration. )

PAULIN

a ses genoux

Mon frère !...

LA GRENADE

Relevez-vous. Est-il vrai qu'on ait trouvé sur vous la preuve...

PAULIN

Oui, mais...

LA GRENADE.

Oui !

Air : Prenez pitié d'an pauvre diable,

Il montre sa croix.

A quoi donc me sert mon courage ,
Ce prix , par tant de peine acquis,
Ce prix , que d'un commun suffrage ,
Au champ d' bataille j'ai conquis.
It faut le chercher quand il brûle
De tous les feux de la valeur.

Tu deshonores ta famille ,
Elle doit cacher ses marqu' d'honneur.

( Il ôte sa croix et la cache. )

PAULIN

sanglottant.

Mais ce n'est pas moi, j'en atteste la valeur , les vertus de ma famille.

LA GRENADE

Les preuves t'accusent.

PAULIN

Devant dieu , je soutiens qu'elles sont fausses.

LA GRENADE

Qui le croira ?

PAULIN

Tout le monde, si tu le veux.

LA GRENADE

Comment ?

Même air.

Remets ta croix à cette place ,
Et prends-moi vite sur ton sein.
Personne alors n'aura l'audace
De m'accuser d'un vil larcin.
Laiss'-moi toucher cett' croix qui brille
De tous les feux de la valeur ;
On dira, m'voyant sur ton cœur,
S'il eut deshonoré sa famille,
Touch'rait-il ces marqu' d'honneur.

( Il pose sa main sur le cœur de son frère, qui y replace sa croix, puis il répètent ensemble. )

S'il eût deshonoré sa famille,
Touch' rait-il ce marqu' d'honneur. ?

SCENE XI

Les Précédens , Madame FRANCŒUR, ANSELME, GEORGETTE , NICOLAS , Habitans.

TOUS

Air : Du petit Courrier.

Quoi ! se peut-il ? son frère est dans ses bras !
Et pourtant on le dit coupable.
D' son innocence, ah ! ne voilà-t-il pas
La preuve la plus respectable ?

PAULIN

Il a de moi des garants trop certains
Que j' n'ai jamais commis une bassesse
Là , sur son cœur , quand j'ai posé les mains
De tout crime le doute cesse.

LE SERGENT

Messieurs, je ne puis plus long-tems...

TOUS

Quand { je te , tu me } tiens enlacé dans { mes, tes } bras ,
C'est que { je, tu } ne { t', m' } crois pas coupable.
D' { ton, mon } innocence , ah! ne voilà-t-il pas
La preuve plus respectable. |

Il tient son frère enlacé dans ses bras ,
C'est qu'il ne le croit pas coupable.
D'son innocence, ah ! ne voilà-t-il pas
La preuve plus respectable.

Pendant ces derniers vers, les gardes emmènent Paulin. Ils le font entrer dans une maison qui se trouve sur la place. )

SCENE XII.

Les Précédens, excepté PAULIN et les Gardes.

LA GRENADE

Ma mère, il faut que je vous quitte.

Mad. FRANCŒUR

Tu voudrais, mon fils...

ANSELME

Retourner au régiment...

LA GRENADE

Non, aucun de mes camarades n'a contre sa famille le soupçon même du déshonneur.

Mad. FRANCŒUR

Où vas-tu, mon fils.

GEORGETTE

Monsieur, c'est assez d'un chagrin, ne nous en donnez pas deux.

LA GRENADE

Je ne puis rester... Moi, la Grenade, forcé de rougir devant tout ce qui m'entoure ? Non...

ANSELME

Attendez au moins la réponse du Roi.

LA GRENADE

Du Roi ?

ANSELME

Nous savions qu'il allait passer près de ce village, en revenant de Fontenoy; nous avons été l'attendre sur la route , et je lui ai présenté , en votre nom , le placet dont voici le contenu.

Air : Traitant l'amour.

Après cent exploits divers ,
Un brave et bon militaire,
Retrouve chez lui son frère
Que l'on menace des fers.
Ce frère, à tort on l'accuse ;
L'autr', comme soldat se récuse.
S'peut-il qu'un bon Roi refuse
D'les rendr' tous deux à l'Etat ?
Non, non, d'un père si tendre ,
Que ne doivent pas attendre
Le sujet et le soldat !

LA GRENADE.

Qu'a-t-il répondu ?

ANSELME.

Rien ; mais, à son retour au champ de bataille, nous nous précipiterons de nouveau sur ses pas.

( On entend crier très-loin : Vive le Roi ! )

Madame FRANCŒUR.

Le voici !... Vite ! vite !

TOUS.

Courons,

Air : Veux-tu te taire ?

Tous ensemble, (bis)
La mêm' raison
Nous rassemble,
Tous ensemble
Courons d'mander son pardon.

(Tous sortent à l'exception de Nicolas.)

SCENE XIII.

LA GRENADE, NICOLAS.

NICOLAS

à part.

Si j' pouvions de ce côté
Voir un p'tit moment ce traître,
Qui vient à mon pauvre maître
D'faire ravir la liberté.
J' l'apperçois, queu bonne affaire !
L' grenadier va sans façon
Voir si Durocher peut se faire
Un dos aussi dur qu' son nom.
Faut qu'ensemble {bis)
Mon adresse les rassemble ;
Faut qu'ensemble
b Oui, faut
Qu'y s'dis'nt un mot.

LA GRENADE

après avoir réfléchi

Ils n'obtiendront rien... Partons pendant leur absence ( Il va pour prendre son sac )

NICOLAS

M. la Grenade , le v'là.

LA GRENADE

Qui ?

NICOLAS

Celui qui a perdu votre cher frère.

LA GRENADE

Mille bombes ! son compte est bon.

NICOLAS

faisant retirer la Grenade.

Voyons-le venir.

SCENE XIV.

Les mêmes, DUROCHER.

Cette scène doit être jouée à voix basse sur le devant de la scène )

DUROCHER,

bas

Où en est-on ici ?

LA GRENADE

d'un côté.

Au châtiment des fripons.

NICOLAS

de l'autre.

En avant ! Alte !

DUROCHER,

à part.

La Grenade ! ( Haut. ) Eh ! c'est vous...

LA GRENADE

bas à Durocher.

C'est moi qui vient exprès de mon régiment pour te couper un bras, une jambe, ou une oreille.

NICOLAS.

Choisissez, ça nous est égal.

DUROCHER

Mais je ne conçois pas.. .

LA GRENADE

Tu ne conçois pas! As-tu oublié que par ta perfide adresse...

DUROCHER

Moi !

LA GRENADE

Oui, toi !

NICOLAS

Finissons... Est-ce la jambe, le bras ou l'oreille que voui avez de trop ?

LA GRENADE

Allons, marche.

DUROCHER

Je n'ai pas de témoins.

NICOLAS

Je suis les deux témoins à moi tout seul.

LA GRENADE

Me suivra-tu ?

DUROCHER.

Je n'ai point d'armes.

NICOLAS

Un moment. (Il entre dans la maison. ) V'la un sabre... Allons... Faut que je regarde pour commencer quand ça sera fini avec le grenadier.

LA GRENADE

Eh bien ! ici, puisque tu ne veux pas venir.

NICOLAS

Air : Nous voyons à ce qu'il dit.

Nous allons voir si monsieur
Sait se battre comme 11 sait nuire;
Nous allons voir si monsieur
A plus d'méchanceté que d' valeur.

LA GRENADE

Vite en garde, allons,
Monsieur, dépéchons.

Nicolas

à part.

Je doute qu'il s'en tire.

LA GRENADE

Mais on peut venir.

DUROCHER

à part

Ah! Que devenir ?

NICOLAS

Voulez-vous en finir.

LA GRENADE ET NICOLAS

Voyons enfin si monsieur
Sait se battre comme il sait nuire,
Voyons enfin si monsieur
A plus de méchanceté que de valeur.

( Il vont pour se mettre en garde. Paulin sort avec les gardes de la maison du bailli.)

SCENE XV.

Les mêmes; PAULIN, GARDES.

PAULIN

apercevant la Grenade.

Mon frère ! que fais-tu ? C'est à moi de punir... ( Il prend le sabre du sergent et va près de Durocher.)

NICOLAS

Deux sabres ! Le voilà entre deux feux.

PAULIN

Air : d' Agnès Sorel

En abusant de ma jeunesse,
D'une trop facile amitié,
As-tu pensé de ta bassesse
Me vois prendre ainsi la moitié ?
Je vais punir ta perfidie ;
Mais c' n'est pas assez pour mon cœur.
Avant que tu m' donn' ta vie,
Y faut que tu m' rendes mon honneur.

LA GRENADE

à Paulin

Ah! Paulin, je ne te crois plus coupable.

( On entend plus près crier, Vive le Roi ! Durocher s'échappe. )

SCENE XVI

TOUS.

ANSELME

La Grenade ! la Grenade! v'là la réponse du Roi.

LA GRENADE

Que dit-elle ?

Mad. FRANCŒUR.

Nons ne l'avons pas lue... Le Roi a dit qu'il ne fallait ne la laisser lire que par toi.

GEORGETTE

Oh ! lisez vite, M. la Grenade.

LA GRENADE

lit

Grenadier, je sais comme tu t'es conduit hier à Fontenoy ; le frère d'un brave comme toi ne peut être coupable : mais s'il pouvait l'être, je lui pardonne.

LOUIS.

( La Grenade baise la lettre. )

ANSELME

Et il a ajouté tout bas; je l'ai entendu... Les paroles d'un bon Roi, ça se devine presque... 11 a dit :

Air : Ce Magistras.

Je chéris, j'estime, j'honore
Tons les braves guerriers français;
Mon amour est plus vif encore
Quand ils réclament mes bienfaits
Comme un prix de tant de hauts faits.
Soldats, venez près de mon trône,
A toute heure, en tous instans ;
Premiers appuis de ma couronne,
Vous êtes mes premièrs enfans.

LA GRENADE

Il a dit cela...

PAULIN

Mon bon frère ! c'est à toi, à ta bravoure...

LA GRENADE

Mon sac, mon fusil... Et je renoncerai au service! Non, non, mille bombes!

Air : du Galoubet.

Vive le Roi! (bis)
Plus de repos, plus de retraite,
l'honneur , l'amour m'en font la loi :
Maint' nant chaq' cicatrice est faite,
Et Je trouve ma santé parfaite,
Vive le Roi!

TOUS.

Vive le Roi ! (ter)

GEORGETTE

Enfin, je vais me marier.

PAULIN

Tu seras heureuse épouse.

ANSELME

Moi, heureux père.

Mad. FRANCŒUR

Moi, la plus fortunée des mères.

LA GRENADE

Et moi, toujours bon grenadier français ; pour le prouver, mettons-nous à table.

Vaudeville.

CHŒUR.

Amis, c'est à table,
Qu'on célèbre en chœur,
De bon cœur,
Près d' convive aimable,
Le retour du bonheur.

ANSELME.

Ne buvant qu'aux belles
Sévères, cruelles,
Nous éloignant d'elles,
Nous n' boirons pas beaucoup.
Buvant à ces daines,
Qu'ont de si bonnes âmes, Qu'ell' partag' nos flammes ;
Nous boirons plus d'un coup.

TOUS.

Amis, c'est à table, etc.

PAULIN.

Forcé de combattre,
Près d'Paris de s'battre,
Ce bon Henri-quatre
N' buvait pas beaucoup.
Une fois dans c'te ville ,
Heureux. et tranquille ,
Près d' sujet docile,
Y buvait plus d'un coup.

TOUS.

Amis, c'est à table, etc.

Mad. FRANCŒUR

Près du politique,
Qui, pleurant, explique
Nouvell' qu'il fabrique,
On n' boit pas beaucoup ;
Près d' bon militaire,
S'écriant : plus d' guerre ,
Viv' la paix sur terre !
Oh ! l'on boit plus d'un coup.

TOUS.

Amis, c'est à table, etc.

GEORGETTE

Fill' dont l'hyménée,
La chale' fortunée
Se trouve ajournée,
Oh! moi, je parie
Qu'ell' boit plus d'un coup.

TOUS.

Amis, c'est à table, etc.

LA GRENADE

Avant qu' l'on commence,
L'acteur tout en transe
Redout' sa sentence,
Et n'boit pas beaucoup,
Mais si le parterre
Lui donne le salaire
D' l'effort qu'il sut faire,
L'acteur boit plus d'un coup.

(Au Public. )

L'théâtre est la table,
Où chaque soir le spectateur
Est l' convivs aimable
Qui nous rend le bonheur.

CHŒUR

L'théâtre est la table, etc.

( Il vont se mettre à table, et le rideau baisse. )

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